Présentation des deux nouveaux numéros de la Revue de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie préparés par le professeur Watson Denis

La Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie (RSHHGG) vient de réaliser un coup de force. Cette société de savoir, fondée à Port-au-Prince en 1923, qui commémorera son 100e anniversaire l’année prochaine, a fait paraitre en avril dernier, sous la direction du Dr Watson Denis, deux volumes de sa Revue, couvrant chacun deux années, 2018-2019 et 2020-2021. Les articles, les réflexions et les travaux de recherche qui y sont publiés traitent des thématiques les plus variées de la vie nationale. Ils enrichissent déjà l’historiographie haïtienne. A cet égard, ils méritent d’être signalés à l’opinion publique.

Les lignes suivantes constituent une présentation sommaire de leur contenu.

Le premier volume (Nos 267- 274), « Haïti au cours des ans : histoire, anthropologie et société en régression », contient 11 articles de fond, divisés en trois sections, et les rubriques régulières de la Revue, qui sont : Comptes rendus de lecture, Nécrologie, Pages retrouvés et Échos et nouvelles. Ce numéro comprend 341 pages, avec des photos et autres illustrations.

Les cinq premiers articles sont regroupés dans la section titrée : « De la révolution à l’indépendance » parus sous la plume d’auteurs haïtiens et étrangers, tels que Jean Casimir, Pierre Buteau, Quisqueya Lora H., Bernard Foubert et Peter J. Frisch. Chacun de ces articles représente une contribution originale abordant un aspect essentiel du thème central. Par exemple, dans son article « Captifs et esclaves : le refus de la destitution, » Casimir offre une nouvelle perspective permettant d’approfondir la différence fondamentale entre « captifs » et « esclaves ». Buteau, pour sa part, prend Haïti comme cas d’étude pour analyser l’abolition de l’esclavage et ses implications dans les sociétés postcoloniales. De son coté, l’historienne dominicaine Quisqueya Lora démontre l’impact de l’abolition de l’esclavage à Santo Domingo durant la période de la réunification de l’ile d’Haïti sous la présidence de Jean-Pierre Boyer (1822-1825).

La deuxième section, « Indépendance, néocolonialisme et religions » est composée des articles de Watson Denis, de Kate Ramsey, de Daniel-Gérard Rouzier et de Lewis Ampidu Clorméus. Ce sont des travaux qui invitent à la réflexion. Par exemple, l’article du professeur Denis, historien, présente la saignée de sang perpétuelle que représentait les dettes publiques contractées en France par l’État haïtien entre 1825 (suite à l’ordonnance odieuse de Charles X) et 1911. Pour sa part, l’anthropologue américaine Kate Ramsey propose un examen de la pénalisation du vodou au XXᵉ siècle en Haïti. De son côté, le professeur Clorméus explore les deux cents ans du méthodisme en Haïti (1817-2017).

Dans la troisième section, intitulée : « Haïti, d’hier à aujourd’hui », on retrouve d’abord le travail de la Dre Chelsea Stieber, professeure de langue française et d’études francophones à Washington DC ; son article analyse les relations entre guerre civile et les origines de la littérature haïtienne. Puis, l’étude d’Itazienne Eugène qui expose les pratiques d’enseignement de l’histoire en Haïti aux XIXe et XXe siècles. Enfin, les réflexions du Dr Patrice Dalencour, professeur de philosophie et ancien ministre de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports, explique les rivalités dans les processus de socialisation et la régression de la citoyenneté.

Les comptes rendus retiennent également l’attention. Jérôme Eddy Paul Lacoste propose une lecture critique de l’ouvrage, Haïti, la CARICOM et la Caraïbe. Questions d’économie politique, d’intégration économique et de relations internationales (paru sous la direction de Watson Denis). De son coté, Jacques Pierre propose une nouvelle lecture de l’ouvrage, Le problème linguistique haïtien du célèbre linguiste haïtien Pradel Pompilus. De même, Josué Vaval fait une lecture féconde de La naissance d’Haïti, 1804-1843 : Manuel d’histoire d’Haïti du professeur Jean Roger Petit-Frère, de regretté mémoire.

Enfin, les autres rubriques enrichissent les idées, les travaux et les réflexions qui tournent autour de la problématique centrale du numéro, un numéro riche qui invite à la lecture et à la discussion féconde !

Le second volume, numéros 275- 282, est publié sous le titre : Haïti : Géologie, Géographie et espace désarticulé » 2018-2019. Il couvre les années 2020-2021 et contient douze articles de fond, divisées en trois sections, les rubriques traditionnelles et une nouvelle rubrique portant le nom de « Débat ». Ce numéro double comporte 366 pages, ainsi que des photos et illustrations qui soutiennent le soutenu des articles et des travaux.

La première section du volume, centrée sur la géologie, s’intitule :« Géologie : séismes, territoire et vulnérabilité (2010 -2021). Dans cette section, l’ingénieure Sophia Ulysse propose un examen des dangers du séisme en Haïti. Pour sa part, l’ingénieur-géologue Claude Prépetit analyse la sismicité en Haïti de 2010 à 2019 et se demande finalement, face à la menace sismique, si le pays est aujourd’hui plus vulnérable qu’il a été dans le passé ? De son côté, le géographe Jean-Marie Théodat et l’équipe de l’URBALaB du programme haitiano- belge de la Faculté des Sciences de l’Université d’État d’Haïti étudient la perception du risque sismique à Canaan, agglomération située dans la Commune de la Croix des Bouquets, aménagée par la force des choses, à la suite du séisme destructeur du 12 janvier 2010 pour recevoir une partie des victimes du désastre. Le dernier texte de cette section signé par la sociologue Michèle Oriol analyse les relations entre territoire et catastrophes naturelles. Dans cet article, elle démontre la nécessité de comprendre les logiques géographiques et humaines lors d’un phénomène naturel, tel qu’un séisme.

La section qui suit (la seconde), focalisée sur la géographie, s’intitule : « Espace, urbanisme et mutations sociales ». Elle s’ouvre sur un hommage rendu à deux ouvriers ayant travaillé inlassablement pour le développement de la discipline géographique en Haïti, en l’occurrence Dr Catts Jacques Pressoir et Dr Georges Anglade. Cette section comprend 4 textes. Celui de Hervé Saint-Preux sur les dynamiques urbaines (“chaotiques”) de la ville de Port-au-Prince et celui du Dr Lefranc Joseph qui pose les bases pour une sociologie historique des normes d’urbanisme et de construction en Haïti. De même, je signale les réflexions pertinentes du géographe Mérat Pierre-Jorès, qui nous invite à dépasser la limite géographique et spatiale des 27,750 km2 d’Haïti et à considérer, dans le cadre du développement socio-économique d’Haïti, la mer territoriale et la Zone Économique Exclusive (ZEE). (Nous pleurons la disparition de ce professeur qui nous a laissé trop tôt).

La troisième section, ayant pour titre « Migration et reflets d’Haïti dans le monde, comprend trois articles. Dans le premier, le professeur Denis, spécialiste en relations internationales, analyse ce qu’il appelle « Représentation par substitution » de deux personnalités canadiennes d’origine haïtienne, en prenant appui sur les cas de Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et de Dany Laferrière au sein de l’Académie française. Dans le deuxième, l’historien Weibert Arthus examine le rôle de l’accord haïtiano-dominicain du 5 janvier 1952 (sur l’embauchage des Haïtiens) dans le développement des relations entre les Haïti et la République dominicaine. Dans le troisième et dernier article, c’est le diplomate brésilien Ricardo Seitenfus qui propose une réflexion sur les rendez-vous manqués dans les relations entre Haïti et l’Amérique latine.

La rubrique de comptes rendus présente la recension de l’ouvrage Black Spartacus : The Epic Life of Toussaint Louverture du britannique Sudhir Hazareesing par Gaétan Mentor et l’examen du volume, La négation du droit à la nationalité en République dominicaine. La situation d’apatridie des Dominicains et Dominicaines d’ascendance haïtienne (sous la direction du Dr Watson Denis) par Petit Frant Ibréus.

La nouvelle rubrique « Débat » mérite aussi l’attention des abonnés de la Revue et des lecteurs en général. Le professeur Pierre Buteau, président de la SHHGG, conteste le 20 septembre comme date de naissance de l’empereur Jacques Ier (Jean- Jacques Dessalines), tel qu’il a été édicté par les pouvoirs publics le 18 septembre 2020.  On trouve également dans cette rubrique un échange épistolaire entre Alin Hall et Pierre Buteau relative à la Traite transatlantique.

Ces deux volumes de la Revue de la SHHGG marquera le temps. Notons que la Revue de cette Société est la publication scientifique la plus ancienne du pays — si ce n’est de la région des Caraïbes. En effet depuis les années 1920, elle publie des travaux de recherches de haute qualité couvrant des sujets d’histoire, de géographie, de géologie et d’autres disciplines connexes. La richesse de ces deux volumes entre assurément dans cette tradition d’effort, d’excellence et d’abnégation, au-delà du temps. Tous mes compliments au professeur Watson Denis, secrétaire général de la SHHGG, qui a réalisé, avec l’équipe éditoriale de la Revue et les membres de la Société, ce travail de coordination et d’édition, qui, j’en suis sûr, a dû couter sueur et dur labeur.

Information importante, les 2 volumes de la Revue de la SHHGG seront disponibles à Livres en folie le 16 juin prochain.

NOTE. Cet article a été publié pour la première fois par Alterpresse ici https://www.alterpresse.org/spip.php?article28344 

Auteur/Autrice

  • Lefranc joseph

    Lefranc joseph, PhD., a fait ses études en sociologie (Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti) et en ville et architecture durables (Université de Séville, Espagne). Depuis 2012, il enseigne la sociologie et la méthodologie de la recherche à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti. Ses recherches actuelles portent essentiellement sur les mutations territoriales et environnementales de l’agglomération de Port-au-Prince ; la question linguistique dans la production de la formation sociale haïtienne ; et la violence au regard de rôle dans la construction de la sociabilité en Haïti.

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