Vivre le sentiment de l’échec et de la perte : le vécu de l’autre de sa propre perte

Sans être méchant et sans vouloir présenter une philosophie de la vie, je vis un cas de vie qui me pousse à réfléchir le versant humain de l’autre. L’homme est par essence égoïste. En effet, la rationalité du sujet est marquée par la jouissance de son intérêt. Certains intérêts peuvent cohabiter et dessinent entre deux sujets des rapports exceptionnels. Le sentiment d’accepter la réussite de l’autre n’est pas toujours bien vu si l’on est en situation de le vouloir. Mais par souci de construire ou de raviver des rapports, l’intérieur ne rapporte pas à l’extérieur dans son vrai terme. Certains traits sont cachés. On dissimule l’essentiel ou le peu pour ne pas détruire parfois des rapports. Tout cela est important à comprendre. Mais le plus important est la compréhension du sens de désespoir et le sens de tout perdre chez quelqu’un qui a tout essayé pendant qu’il vit la réussite soit dans un ami cher, d’une famille et d’une proche dans un processus lié à son échec. Mon papier est avant tout une manière de comprendre un cas avec toute la subjectivité que cela a comme moyen de traiter ce qui se passe dans ma vie proche ou dans la vie d’une amie – proche ou des gens qui devraient m’être proches. Pour y parvenir, d’abord, je vais partir d’une expérience imaginaire mais réelle dans la suite des idées pour décrire un cas d’exception ; ensuite, je m’intéresse à comprendre le mobile de l’agir et enfin voir la portée psychanalytique ou le versant de la santé mentale de toute l’histoire.

Le cas me préoccupant : entre projet et échec

Deux amis dans une relation de confiance investissent l’idée de laisser leur pays d’origine. Ils finissent tout à coup par un échec. Le sentiment de continuer n’anime pas tous en même temps. Chacun agit selon son niveau d’information et de sa source d’information finalement. Un de deux continue le processus et se voit dirigé vers l’objectif final. Par contamination, il s’érige en maître pour influencer une amie proche de l’autre qui n’a pas pu faire la route avec les épines de mi-temps. A la fin, sans balbutiements aucuns, l’amie influencée a pu décrocher son autorisation expresse à faire la route. Une bonne nouvelle qui s’annonce avec toute la frustration que cela crée. À cela, il faut tout dire. Sans hypocrisie de l’extérieur et sans scruter l’intérieur, le message est bien reçu. La vie continue mais le désespoir de l’autre anime son contraire. Le processus est repris. L’échec encore remonte en surface. D’autres essais sont faits. Le décalage entre sentiments et faits s’agrandit. L’expérience de l’autre se décline en désespoir et terrain de frustration.

Un deux perdu, dix de trouvés, c’est la chanson du monde. Au contraire, on n’a pas toujours de la chance qu’un ami en situation de frustration crée les conditions de garder l’amitié de l’autre quand l’autre espère être à sa place. C’est dur, mais c’est aussi inspirant. Comment vivre l’échec de l’autre en situation de réussite ? Comment vivre la réussite de l’autre en situation d’échec ? la manière de vivre n’est pas toujours la même pour chacun des cas. Celui qui pense réussir peut en tout cas ne pas bien vivre l’échec de son ami. Mais la réussite de l’ami peut être bien accueilli malgré les frustrations.

Toutefois, comment peut-on penser que l’autre en dépit de son échec vit mal ou bien la réussite de son ami ?  Les gestes ne disent pas toujours la vérité mais ils existent de ces ceux-ci des éléments qui peuvent témoigner le contraire de ce que l’autre veut démontrer. Comment la personne peut construire l’évitement comme mécanisme de soulagement ? En quoi consiste sa peur ou sa conduite ?

L’échec et son jeu d’action

Tout ce que je comprends et j’analyse de cette question, le mobile de l’action est l’intérêt. Toutefois, l’intérêt peut en certain cas perdre de l’avance sur l’amitié. Certains cas peuvent le témoigner. Mais concilier intérêt et amitié ne sont pas choses faciles. En partant je parle de l’amitié dans son large. Quand l’intérêt est menacé, l’amitié perd sa place. Sans oublier, l’amitié peut s’approprier de l’intérêt pour le faire sien. Mais, quand le sentiment de l’échec ravage l’amitié, la complication se fait sentir. L’échec dans ce cas est analysé comme essai non réussi. Toutefois, ma philosophie parle d’une mauvaise expérience au cas où celui qui perçoit l’échec croit pouvoir recommencer.  

La portée psychologique et/ou psychanalytique : la conduite échec et la santé mentale

La réussite est la réalisation d’un désir mais elle est très menaçante. Elle enlève le manque d’un côté et exacerbe le désir comme manque de l’autre côté. Comme l’écrit Gorana Bulat-Manenti

Si la réussite promet l’imminence de la réalisation d’un achèvement de désir dans la jouissance de l’Autre, sa réalisation s’avère menaçante. Continuer à exister nécessite alors un travail de différentiation, une mise en place de l’écart entre ce que Freud a désigné comme l’instance de l’Idéal du moi et de Moi idéal : le Moi idéal se situant du côté du phallus imaginaire maternel, pulsionnel, et l’Idéal du moi du côté de la dimension symbolique, de la fonction paternelle, de l’avenir. La réussite, avec l’achèvement d’un rêve qui devient la réalité, peut signifier la disparition du manque, si la dette imaginaire, celle de combler la mère n’est pas distinguée de la dette symbolique.[1]

La réussite fait advenir le contexte de l’échec de l’autre. La question de l’échec est substantielle des cas de suicides si l’échec n’est pas approprié comme mécanisme de survie et de vie. Des stratégies sont construites à la base de l’échec et rapportent sur des maladies psychosomatiques et psychanalytiques.

En psychanalyse ou en psychologie, on analyse un cas qu’on désigne sur la névrose d’échec ou conduite d’échec, en ces sens elle organise sa vie de manière à ne pas parvenir à ses fins, en surestimant les risques ou s’imposant des conditions exagérées. Ce qui engendre parfois, l’intolérance totale et systématique au succès. En ce sens, le sujet se sent culpabilisé.  Cette conduite d’échec conduit parfois au masochisme consistant à retrouver le plaisir que dans sa propre douleur physique et les humiliations qui lui sont infligées.  L’évitement de réussite peut est source de soulagement. Les personnes souffrant de cette maladie ont des symptômes comme la dépression, les affections psychosomatiques, conduite de renonciation, les rêves itératifs[2].

En réalité, l’échec est source de maladies. Il est vécu comme manque. Celui ou celle qui échoue doit être en situation de surveillance, car l’échec ouvre toutes les portes. L’échec par ses effets est paradoxal. Il peut générer un désir de réussite et aussi construire une résistance à la réussite qui décadre l’individu de son humanité. Il faut soigner l’échec car il est morbide.

 

 

Notes

[1] Gorana Bulat-Manenti. (2011). Sentiment d’échec et intentions suicidaires. La Clinique Lacanienne, 20(2), 33–45. https://doi.org/10.3917/cla.020.0033

[2] Voir Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis. (1984). « Névrose (ou syndrome) d’échec » dans Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF.

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